À plusieurs reprises suite à de précédents billets, on m’a demandé pourquoi je tenais tant à publier mes données personnelles sur ce site. En fait, ce n’est pas une volonté de ma part que de vouloir exposer ma vie numérique sur kiad.org, mais plutôt la solution la plus adaptée à un état de fait.
Il était possible jusqu’à présent de contrôler de manière assez précise les informations que nous laissions à des entités tierces, soit parceque la technologie ne permettait pas d’agréger des informations à notre sujet, soit parceque notre accord était nécessaire de manière explicite. Impossible de construire un profil à partir des articles consultés dans un magazin Fnac par exemple. Il était tout au plus possible de tracer nos achats à l’aide d’une carte de fidélité, ce qui releve tout de même d’un acte volontaire de notre part. Aujourd’hui, non seulement construire un profil à partir des articles consultés sur un site marchand est pratique courante, mais en plus la souscription à une carte de fidélité est devenue implicite et surtout obligatoire à travers la phase d’enregistrement présente sur n’importe quel site marchand. On retrouve une évolution similaire avec les données liées à nos déplacements : les téléphones portables et le cartes de transports comme Navigo permettent de suivre les déplacements de n’importe qui.
Ces exemples montrent bien la perte de contrôle sur nos données personnelles qui s’est opérée au fur et à mesure que la technologie a évolué. Cette perte est d’autant plus inquiétante qu’elle est accompagnée d’une perte de distinction entre données identifiables à une personne bien précise et données non-identifiables. En somme, la collecte de données est plus aisée dans le monde virtuel, et quand bien même nous arriverions à garder un certain anonymat dans cet espace, l’évolution de la technologie et la masse de données toujours plus importantes que nous laissons permet tôt ou tard de reconstruire des profils personnels. C’est bien là le problème : autant nous bénéficions d’un certain contrôle dans la vie réelle, autant chaque action que nous faisons dans le monde virtuel dissémine un nombre important de données auxquelles nous n’avions pas songé auparavant.
On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’adresser une publicité toujours plus ciblée par la suite en se basant sur des profils toujours plus précis (et en ce cas, pour peu qu’on y soit sensible, on apprécierait sûrement le fait de ne plus avoir de publicité mal ciblée). Je pense que c’est effectivement un des objectifs, mais il me semble lourd à mettre en oeuvre (il n’y a qu’à voir la pertinence des publicités sur Facebook qui en sait tant sur nous…). Non, peu importe l’objectif, ce qui me gène est que quelque part ma vie numérique soit stockée pour en déduire mes goûts, opinions et envies, et encore plus quand il n’est pas possible d’accéder à ces données.
Nous vivions dans un monde où la loi et la technologie garantissait un minimum d’anonymat et de vie privée, et le risque est trop gros qu’au fil des données ce que nous considérions comme acquis disparaisse. Le sens de mon propos sur la vie numérique allait en ce sens : il ne s’agit pas d’exposer ma vie numérique, mais au contraire de la contrôler. Puisque la dissemination de nos données personnelles est désormais un état de fait contre lequel il est difficile de lutter, alors autant chercher un meilleur équilibre dans le contrôle de ces données. La balance penche aujourd’hui trop du côté des éditeurs de services, mais je reste convaincu que la technologie permet aussi de corriger la balance vers l’utilisateur. Après tout, ce sont nos données.
1 Pingback