Voilà, le non est passé avec plus de 54% des suffrages exprimés. Je le cache pas, ça me fait vraiment mal au coeur.
Mais ce qui me dégoute le plus, c’est de voir comment la question du référendum a été détournée, une fois de plus. Il suffit de regarder les sondages à la sorties des unes, notamment ceux de la Sofres et ceux du CSA.
Voilà plusieurs chiffres qui parlent d’eux mêmes:
- chez 40% des votants NON, une des motivations était d’"exprimer un ras-le-bol vis-à-vis de la situation actuelle" (Sofres)
- 52% des votants NON pensaient à des problèmes nationaux lors du vote (CSA)
- pour 55% des votants NON, ce qui a le plus compté fut la situation sociale en France (CSA)
- accessoirement, la peur de la Turquie revient chez 20% des votants non
Voilà ce qui me désole… De quel droit on peut mettre l’Europe dans un tel embarras pour des préoccupations avant tout nationales ? Est-ce responsable comme attitude ? Chirac a pourtant tout fait pour que ce scrutin soit déconnecté des questions intérieures, il a dit qu’il ne démissionerait pas, il a clairement sous-entendu le 26 mai qu’il changerait de gouvernement. Ca n’a pas suffit… Voilà qui va en dissuader plus d’un à l’avenir d’utiliser le référendum, et je trouve ça bien dommage car je pense qu’il devrait être utilisé plus souvent.
Qu’on soit contre le texte, c’est une chose, même si je n’ai pas été convaincu par la majorité des arguments du non, je les respecte. Mais qu’on réponde pas à la question devant un tel enjeu, ça non…
Même constat du côté des appels des dirigeants politiques hier soir, ou de la presse ce matin: très peu de bilan sur l’Europe, mais beaucoup de questions intérieures: Chirac doit-il démissionner ? Dissoudre l’assemblée ? Qui va être nommé Premier-Ministre ? Quel parti a le plus gagné/perdu dans l’histoire ? Etc…
On m’a répondu hier soir que rien ne dissociait la politique française de la politique européenne, et que c’était donc normal que des questions intérieures interfèrent. Comment expliquer alors qu’il y ait des politiques et des modèles sociaux différents en Europe ? Comme le disait Giscard, l’Europe n’a pas empeché par exemple d’avoir un temps Thatcher d’un côté de la Manche et Mitterand de l’autre, chacun avec leurs politiques respectives.
Avec du recul tout cela n’est pas vraiment suprenant. La semaine dernière encore, Marie-Georges Buffet appelait à "voter non pour dire non à Chirac", et quelques jours auparavant c’était Fabius qui s’amusait à corrompre le débat avec son plan C. Chirac peut aussi s’en prendre à lui même de ne pas avoir opérer un changement important après les revers de 2004, il n’a au fond que ce qu’il mérite. Sans même parler du lundi de Pentecôte…
Maintenant, reste à savoir comment vont se dérouler la suite des évènements. En bon aigri je souhaiterais que les tenants du NON prennent désormais leurs reponsabilités et assument les conséquences de leurs actes, pour avoir une démarche constructive qui aident à l’Europe. Ironie: si tel est le cas, il ne faudra pas bien sûr qu’ils oublient d’inviter l’extrème-droite et de leur donner un tiers des voix lors de leurs débats.
Plus sérieusement, qu’on le veuille ou non l’avenir est incertain. Que peux-t’on espérer renégocier ? Les institutions, on pourra sûrement obtenir mieux. Je souhaiterais avoir par exemple un vrai parlement avec plus de pouvoir. Mais bon, ce n’était qu’une petite préoccupation du non, et ce sera probablement pas sur les institutions qu’il faudra renégocier pour que les Français disent oui, mais bien sur cette partie 3.
Et là, c’est loin d’être gagné. En juin, ce sont les anglais qui prennent la présidence, et en Allemagne la droite risque fort de prendre le pouvoir à la fin de l’année. Voilà qui ne présage rien de bon pour ceux qui espèrent obtenir mieux que ce qu’on nous proposait, à savoir encore plus de social. En ce qui concerne la France, celle-ci entamera sûrement sa campagne présidentielle fin 2006, et on ne pourra vraisemblablement rien faire avant mi-2007.
Je n’ai pas de doutes, on trouvera bien une solution. J’ai juste l’impression qu’on va perdre 5 ans ou plus. Et vu la montée en puissance de pays comme la Chine, je regrette qu’on se permette de perdre tant de temps.
Dernier point. L’intégration des pays de l’Est n’aurait pas du se faire en catimini comme ça a été le cas. J’ai à plusieurs reprises lu le même constat: aucune fête, aucune célébration n’a eu lieu en France pour les accueillir lorsqu’ils sont entrés dans l’Europe. Quand on voit à quel point la campagne du non a joué sur les peurs (le plombier polonais, les cars de turques, etc…), je me dis qu’on est passé à côté de quelques choses.
Et puis non, encore un dernier point. C’est la deuxième fois que je le lis, la première m’avais déjà interpellé:
Durant l’été 2001, Bush avait reçu Blair, et lui avait demandé s’il voulait que l’Europe soit un succès. La réponse affirmative du premier ministre britannique avait été prise comme une provocation par le président américain. Il est évident que si la France vote non, l’Europe cesse d’être une provocation et un sujet de préoccupation pour les Etats-Unis de Bush.
Bon courage à ceux qui travaillent pour l’Europe.
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