Je viens de finir de lire L’épopée Logan, un livre qui retrace l’aventure Logan et de Dacia au sein du groupe Renault.
Comme le souligne les auteurs, l’aventure Dacia est un parfait exemple de « disruptive innovation », dans le sens de ce que décrit Christensen dans The Innovator’s Dilemma. Peu de grands groupes sont parvenus à ce type d’innovation de rupture car bien souvent, ce sont des nouveaux entrants qui les mettent en oeuvre. À l’heure où on a cesse de blâmer les constructeurs français et vanter les mérites des allemands, il y a donc de quoi être fier de ce qu’a réalisé Renault avec Dacia.
Renault a bien sûr une tradition d’innovation (on pense à l’Espace, Twingo, Scénic) mais comme le souligne les auteurs, la Logan a la particularité d’avoir donné naissance a toute une lignée de véhicules : la gamme Entry (avec la Sandero, le Duster, Lodgy, etc.). Le livre revient longuement sur les conditions de ce succès, de l’impulsion forte du PDG Louis Schweitzer au côté marginal du projet au sein de Renault (par ailleurs très occupé par l’Alliance avec Nissan au même moment), en passant par les contraintes marketing et politique de la distribution en France de Logan ou du badgage sous la marque Renault en Russie.
Le second enseignement tient sur le plan internationalisation. Dans la mission initiale de Logan, figurait tout un plan de défrichage de nouveaux marchés, tant en terme de capacités de production que de réseaux de distribution, ce qui fut particulièrement réussit au Brésil et en Russie. Le programme Dacia, par sa dimension « low-cost », a permis une autre approche de ces marchés. Là où les constructeurs occidentaux s’en sont souvent tenus à une logique de « decontenting » (i.e. proposer des véhicules européens au rabais, moins équipés), Dacia a permis a des ingénieries locales (et non celles du siège) de partir de bases réduites pour étoffer et construire une offre adaptée au marché local, comme avec la Sandero initalement conçue pour le Brésil.
Mais le vrai enseignement de Logan, c’est la mise à mal de la pensée dominante affirmant que les marges ne résident que dans le premium et dans le luxe, stratégie où excellent les allemands. La dernière partie du livre porte largement sur cette notion dominante du « trickle down » et le contexte économique et politique qui permet cette approche : on innove par améliorations successives pour les franges hautes du marché, et par externalité positive, cela redescend petit à petit sur les gammes inférieures. Avec une approche « value for money » (i.e. on en a pour son argent, on a le « juste nécessaire »), Dacia a démontré qu’une autre approche de l’automobile était possible, sorte de « trickle up ». Le salut pour les constructeurs français et italien face aux allemands passe probablement par là.
En somme, un bouquin indispensable pour tout passionné d’innovation et d’automobile ! Un autre bon résumé du livre se trouve ici.
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