Un des artistes qui m’épate le plus ces derniers temps s’avère être aussi un bon journaliste ! Works of Intent, f.k.a. R.O.S.H., Roshan Chauhan de son vrai nom, connu pour sa dance / techno music qui ferait bouger votre mère (c’est lui qui le dit !), a initialement publié plusieurs écrits pertinents, le premier sur l’absence de diversité dans les grands médias musicaux comme Resident Advisor.
Dans « A letter to RA and the rest of the UK music press » (very long read), Roshan pointe du doigt l’invisibilité d’une scène dance UK menée par une population black / ouvrière à l’origine de la house & techno, du fait d’un entre-soi blanc de l’industrie et des médias musicaux. Deux mondes qui se côtoient à Londres sans nécessairement se croiser réellement.
Si les racines black de la techno sont bien présentes dans ces médias par de nombreuses rétrospectives d’artistes comme Jeff Mills, les évolutions modernes (comme le UK funky dans les années 2010) de la house et techno par les même populations qu’ils les ont créées échappent, elles, à une documentation sérieuse de la part des médias.
Un des journalistes de DJ Mag résume bien, involontairement, l’enjeu, en expliquant que si certains artistes sont frustrés que la scène black ne reçoive pas la couverture média qu’elle devrait avoir, car ces même médias seraient tenus par des blancs de classes aisées, alors ils peuvent ouvrir leur Word et écrire eux-même. Ignorant ainsi royalement la perte d’opportunité de ces artistes, en terme d’exposition, carrière et de fait revenus, qu’un blog perso perdu sur le Web ne viendra jamais corriger.
Assez exhaustif, bien documenté et chiffré, l’article pointe bien l’effet d’entrainement où une industrie s’auto-alimente, les médias favorisant des artistes de leur même classe blanche & aisée, qui attirent dans les clubs une audience venant des mêmes horizons. L’article date de 2020, et on pourrait ajouter à l’analyse l’effet amplificateur des plateformes comme Spotify, tel que le décrit bien l’article du MIT « How to break free of Spotify algorithm.
Une des suggestions de l’auteur pour casser cette boucle est de pouvoir soumettre des titres plus anonymement aux médias, pour qu’ils soient évalués pour leur qualité musicale purement. Ce qui n’est pas sans rappeler les débuts du label Cod3 QR : les compilations étaient d’abord publiées pendant 1 mois avec uniquement des codes chiffrés en guise de nom d’artistes et de titres. Seule la musique compte pour se faire une idée. Et pour ne rien influencer, les auteurs du label sont restés longtemps secrets. On sait maintenant que l’initiative vient de Laurent Garnier, qui a d’ailleurs soutenu régulièrement Works of Intent à ses débuts !
L’article m’a rappelé par certains aspects la biographie de Nile Rodgers, le guitariste de Chic, qui constatant le plafond de verre à imposer sa musique black, a joué l’influence en produisant des articles blanc comme Madonna, David Bowie ou même Sheila par chez nous.
Un épisode fait écho à l’article qui nous intéresse : alors que Queen fait un carton sur les radios avec son tube Another One Bites The Dust, certains médias reprochaient à Chic de s’être inspiré de la ligne de basse pour leur hit Good Times (pourtant sorti un an avant !). Ce qui a eu le don d’irriter le bassiste Bernard Edwards (dont s’est inspiré John Deacon en le croisant en studio), constatant l’incapacité de la presse à reconnaître la créativité des musiciens black. L’histoire se répète malheureusement…
Je vous recommande bien sûr d’aller écouter l’artiste sur SoundCloud ou Spotify et les titres comme Old Ways, New Mistakes, Archive Our Past ou Greener View.
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