Bien qu’utilisateur d’AdBlock Plus, naïvement je n’avais pas réalisé qu’il y avait une société derrière. Avec 50 millions d’utilisateurs actifs, c’est vrai qu’on peut commencer à réfléchir à un business ! L’article The Internet’s next victim: Advertising décrit bien leur modèle économique, les tensions créées par les bloqueurs de publicité et les enjeux pour l’économie Internet.

Till Faida, CEO d'Adblock PlusLancé récemment, le modèle d’Adblock Plus consiste grosso-modo à faire payer les grands acteurs de la publicité pour autoriser des publicités préalablement qualifiées d’acceptables par la communauté. Pour autant comme le souligne l’article, il y a quelque chose d’incongru, pour une société qui lutte pour ne pas afficher de pub, à permettre de payer pour en afficher.

AdBlock Plus fait plaisir aux internautes, mais ennuient à la fois les éditeurs et les régies publicitaires. Quand on clâme “Everyone agrees that advertising on the Internet is broken,” comme le fait le CEO d’AdBlock, pourquoi aider les régies publicitaires actuelles à continuer à s’enfoncer ?

Pourquoi ne pas plutôt aider les éditeurs à gagner de l’argent, peut-être autrement ? Après tout, si le modèle des régies est voué à l’échec, autant aider les éditeurs. On aura toujours besoin d’eux, et AdBlock ou pas, la publicité n’a jamais été une solution miracle pour monétiser du contenu.

Les internautes n’aiment pas la pub, mais ils aiment évidemment les contenus qu’ils consultent, et ne souhaitent pas que les éditeurs qui les proposent disparaissent. Avec 50M d’utilisateurs actifs, et une position privilégiée entre les internautes et les éditeurs, la proposition de valeur d’AdBlock pourrait être de permettre aux internautes d’aider les éditeurs qu’ils apprécient.

Cela se ferait d’une autre façon qu’en regardant de la publicité, à travers des micro-donations par exemple, ou de payer pour accéder à certains contenus. C’est ambitieux, car cela supposerait qu’Adblock collecte des cartes bancaires et les lient à un porte-feuille électronique. L’internaute pourrait ensuite au gré de ses consultations de contenus donner ou payer avec une forte granularité (à partir de quelques centimes).

Pourquoi cela pourrait marcher alors que les éditeurs eux-même n’y arrivent pas ? Précisément car c’est compliqué et lourd pour chaque éditeur de construire une telle solution, là où AdBlock pourrait le faire pour de nombreux éditeurs. Par ailleurs l’internaute gagnerait en simplicité avec un seul compte et carte enregistrée pour de nombreux éditeurs. L’exemple de ce qu’a construit Apple avec iTunes montre que ce n’est pas impossible.

En travaillant avec les régies en collant une rustine sur un modèle publicitaire dépassé, AdBlock prend un peu le risque de couler avec elles. En faisant levier sur le lien privilégié entre internaute et éditeur, AdBlock pourrait aider ces derniers à être moins dépendants de la publicité. Certes, moins de publicité réduirait de facto l’intérêt du produit AdBlock en lui-même. Mais avec une base de 50M d’utilisateurs complétée de leurs coordonnées bancaires, AdBlock serait dans une position de force incontournable pour capter une bonne partie de la valeur créée sur Internet.

Si AdBlock pense que la publicité n’a pas sa place sur Internet, il faut aller plus loin que simplement détruire de la valeur chez les régies publicitaires, il faut aider les éditeurs à en créer pour réduire leur dépendance à la publicité.