Pour un fondateur, vendre sa société soulève de nombreuses questions sur l’après. En particulier quand il y a un complément de prix (« earn-out » en anglais) afin que le fondateur reste un certain temps pour accompagner l’acquéreur (de 1 à 5 ans selon les acquisitions).

Quelque soit sa structure (durée, basée sur le chiffre d’affaires ou le résultat, etc), inévitablement un complément de prix engendre des situations où l’intérêt personnel du fondateur n’est plus toujours aligné avec celui de la société sur le long terme.

Alors que son intérêt était 100% aligné avec la société (car fortement associé au capital), c’est une situation délicate pour le fondateur qui ne souhaite pas nuire a la société qu’il a contribué à créer.
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La question qui se pose alors est la suivante : est-ce que je privilégie ma richesse personnelle, ou le sort d’une société pour laquelle on a nécessairement un affectif ?

Une façon d’y voir plus clair est de se demander si une fois riche (suffisamment pour être à l’abri du besoin en cas de coup dur en tout cas), vous continueriez à faire le même boulot qu’actuellement, avec la même motivation et le même enthousiasme ? En dehors de toute question d’argent, si vous deviez commencer un nouveau business, est-ce que vous feriez exactement le même ?

Avoir toujours le même enthousiasme aide à résoudre ces conflits d’intérêts, on a je pense moins d’état d’âme à aller dans un sens ou dans l’autre. Si la passion n’est plus vraiment là (ce qui n’empêche pas de faire son travail consciencieusement) alors ces situations sont d’autant plus pénibles à vivre. Le fondateur est face à des choix entre sa propre richesse et l’intérêt de son « bébé », forcé de faire des sacrifices sur l’un ou l’autre.

Bien entendu ces réflexions sont basées sur mon expérience de la cession d’Owlient à Ubisoft, et l’attitude de l’acquéreur a une influence importante. Ubisoft laisse beaucoup d’autonomie et d’indépendance aux fondateurs après une acquisition, qui peuvent se retrouver confrontés à ces questions. Un acquéreur au management plus « top-down » laisserait moins de marge de manœuvre aux fondateurs, qui du coup auraient sûrement moins de scrupules à exécuter au mieux l’earnout dans leur intérêt personnel. Je préfère de loin l’approche « bottom-up » d’Ubisoft qui privilégie l’humain 🙂

Dans tous les cas, il est important pour le fondateur de réfléchir à ces considérations, et de bien cerner le profil de l’acquéreur. Ce n’est pas une science exacte, chaque fondateur a des sensibilités différentes à l’argent et à la société qu’il a créée.

 

Merci à Alain et Oscar pour la relecture et leurs réflexions complémentaires sur le sujet